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Le corbeau rouge
Partie #3
Le lendemain, Sonia se rendit à la maison des Mercier, voûtée par le poids d’une nuit blanche. Après son incursion dans la chambre d’Arthur, elle avait été incapable de retrouver le sommeil.
Murielle ne comptait toujours pas repartir chez elle. Son acharnement à vouloir attendre le retour de sa sœur ou, à défaut, de comprendre les circonstances de sa disparition, semblait avoir affecté sa santé mentale. Cette parenthèse dans son existence, étirée bien au-delà du raisonnable, risquait de causer des dégâts, mais la triste grande sœur n’avait cure de l’impact de ce choix sur sa vie personnelle. Car chez elle, personne ne l’attendait.
Sonia avait tenté de la visiter aussi souvent que possible, la soutenant tant dans ses crises de larmes que dans ses douloureux silences. Cette fois encore, Murielle l’accueillit chaleureusement, l’air plus calme que lors de leur dernière entrevue. Elles survolèrent le sujet d’Hector Tavier, qui alimentait généreusement les potins du quartier. Elles en avaient déjà discuté auparavant, Sonia s’étant trouvée aux premières loges lors de l’intervention policière.
« Apparemment, il aurait tué beaucoup plus de gens que ce que la police croyait au départ, commenta Murielle. Ils ont trouvé une cave à Lachan, où il aurait entassé des corps terriblement mutilés. On en apprend un peu plus là-dessus chaque jour.
– Ça fait froid dans le dos, opina Sonia. La folie n’épargne personne…
– La folie et le reste ! Il paraît que son visage était une horreur à regarder. Pas seulement son visage d’ailleurs, mais tout son corps.
– Comment ça ?
– Une sorte de maladie de peau… Il était couvert de gerçures et de blessures infectées. Aux infos, ils ont parlé d’un genre de gangrène généralisée. »
Sonia garda le silence, envahie de l’image du visage crevassé d’Évelyna. Après avoir brièvement hésité, elle choisit de ne pas l’évoquer, afin d’épargner Murielle. Mais n’y avait-il pas là une sorte de similitude à creuser ?
L’actualité distrayait visiblement la triste sœur de son morbide quotidien, mais la conversation revint bien vite aux disparus. Elles s’assirent au salon. Sonia eut un pincement au cœur en apercevant, une fois encore, les photos de famille où figurait Raymond. Ce bon petit gars, gentil et serviable, l’air franc derrière les gros verres de ses lunettes, avait laissé un grand vide derrière lui. Et le doux sourire d’Évelyna manquait à tous ceux qui l’avaient côtoyée.
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