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Chronique d'une verte chute

13 mai 2018

 

   Alice m’a convaincu d’acheter ce carnet, censé me guérir de ma solitude. La logique de la chose m’échappe. Pourquoi ne m’a-t-elle pas fourgué un chat, à la place? Ces adorables boules de fourrure soignent efficacement le mal-être, paraît-il. Décidément, elle ne fera jamais rien comme tout le monde.

    Comment me suis-je laissé prendre à son boniment ? Question trop fréquente, et inutile pour toute personne un tant soit peu informée de notre relation. Alice, c’est LA baratineuse. Aussi lumineuse que je suis sombre, aussi énergique que je suis mou. A se demander si nous partageons bel et bien le même sang. J’ai des doutes, parfois.

   D’après elle, il me faut fixer ma pensée. Pour la clarifier, en éliminer les contradictions. Elle prétend que les plus grands discoureurs, champions invaincus de la dialectique, sont ceux qui ont le plus écrit. Leur réflexion est solide, mûrement pesée, assortie d’arguments ciselés. Sauf que je ne compte pas dominer un débat, j’ai juste envie qu’on me foute la paix. C’est d’ailleurs dans cette optique que j’ai cédé à Alice.

  Elle m’a conseillé de tenir, via ce carnet, un journal intime. D’écrire en développant toute chose, comme si je m’ignorais moi-même. Ridicule. Dois-je préciser qu’Alice est ma sœur aînée, qu’elle agit en mère poule depuis le décès de nos parents, et nourrit dernièrement l’objectif acharné de me rendre le sourire ? Je n’en vois pas l’intérêt, et je viens pourtant de le faire…

18 mai 2018

 

     Les pages m’appellent aujourd’hui, pour une raison bien simple : c’est beaucoup moins humiliant d’écrire que de parler seul à voix haute.

     Je fais partie de ces solitaires qui meublent leurs silences en auto-dialoguant. Au quotidien, je traîne une solitude pesante, liée à mon état de santé déficient. La dernière intervention médicale dont j’ai été l’objet m’a cloué et je ne sors plus qu’épisodiquement. Le silence est mon costume, l’hostilité est mon langage. Mon teint de vampire fait peur.

     Alice pense que je dois m’échapper, me donner une chance de revivre. Facile à dire pour elle et sa bonne santé insolente ! Je ne l’ai jamais vue ne serait-ce que

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Auteur : Charles Daniel Sarre

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